In Memoriam Jean-Paul Samain (10.12.1944-7.3.2025)
BVS/ABR Président 2011-2012
Jean-Paul Samain est décédé dans son sommeil à son domicile à Jurbise. Fin 2020 il avait été victime d’un accident vasculaire cérébral, qui mit fin à ses activités professionnelles. Il était entouré de grands soins par son épouse et sa famille. Il laisse dans le deuil deux fils et quatre petits-enfants.
Jean-Paul est né à Frameries, dans le Borinage, dans une famille passionnée par le rail (le train est d’ailleurs toujours resté son moyen de transport préféré). Il est allé à l’école à Jemappes (avec Adamo !). Il a étudié l’ingénierie civile en chimie à l’École Polytechnique de Mons. Il s’y fait de nombreux amis, comme le professeur JM Charlet qui l’inspirera à s’attaquer au problème du radon et Jean-Paul Minon pour les déchets. Il entretiendra également des liens avec l’ULiège, notamment la radioécologie sous la direction de feu René Kirchman,
Jean Paul a consciemment choisi de ne pas s’engager dans l’armée et est allé enseigner à Oran pendant deux ans en tant que service civil; le souvenir de la ville de Camus lui restera toujours cher, ainsi qu’à son épouse.
Il termine ses études dans les années turbulentes de 1968 et opte d’abord pour l’Administration de la sécurité au travail, tout comme Pierre Stallaert, futur président de la « Commission spéciale », et les futurs présidents de l’ABR Nuyts et Hublet.
La Belgique avait mis en place en 1968 un programme d’énergie nucléaire à grande échelle sans prévoir de structures adéquates en matière de sécurité nucléaire, de radioprotection et de gestion des déchets nucléaires. L’accident de Harrisburg en 1979 était un signal clair ; la même année, Jean-Paul est nommé ingénieur – chef de département. En 1982, au sein du Service de protection contre les rayonnements ionisants (DBIS/SPRI) du ministère de la Santé, il a fait les premiers pas dans le projet Telerad, qu’il a progressivement développé après l’accident de Tchernobyl en 1986, avec ses collaborateurs et en collaboration avec l’IRE et le SCK.CEN, sous la direction de feu Paul Govaerts. Il est devenu directeur de l’SPRI en 1988.
Le scandale des déchets nucléaires « Transnuklear » à Mol avait entre-temps secoué le Parlement. Jean-Paul a traité cette question avec deux autres Jean-Paul (Poncelet, qui a aidé à jeter les bases politiques de l’AFCN dans le bureau du défunt ministre Smet, et Minon d’AVN, qui a ensuite rejoint ONDRAF). Avec le soutien, entre autres, d’Erik Cottens, Jean-Paul a conçu les nombreux règlements et la loi pour le développement d’une nouvelle structure pour la sûreté et le contrôle nucléaires. Jean-Paul pris la direction du Comité de coordination des politiques environnementales internationales (CCPIE) et devint directeur général de l’environnement en 1995.
La loi de 1994 devait créer l’AFCN, mais il fallut encore cinq ans pour intégrer les différentes administrations nucléaires dispersées, jusqu’à ce que «Monsieur» Samain en devienne le premier DG en 1999. Ses premières années à ce haut poste furent peut-être les plus belles de sa carrière professionnelle. Il a réalisé avec ses collaborateurs un travail pionnier sur le problème du radon et a jeté les bases structurelles pour gérer les expositions médicales, suivant les conseils du CSS.
Le contrôle nucléaire connaît alors une expansion rapide. Le contexte national a évolué avec la loi de la sortie du nucléaire de 2003, les Commissions parlementaires, la recherche de sites de stockage des déchets et l’intégration des « organismes agréés » privés, un sujet difficile en raison des intérêts industriels et politiques. L’AFCN a été réformée en 2005. Jean-Paul est devenu président de son influent Conseil scientifique, où il a mis à profit son expérience, son expertise et ses grandes qualités diplomatiques pour désamorcer des dossiers difficiles.
Avec Jean-Paul, c’est la période pionnière de 40 ans de radioprotection et de sûreté nucléaire qui s’achève.
Après sa retraite en 2009, Jean-Paul a continué à travailler activement au niveau national et international, comme au sein du bureau BVS/ABR, au sein du conseil scientifique GPRADE de l’ASN en France, dont il devint fin 2007 le Président très apprécié, et surtout au sein du Conseil supérieur de la santé où son ancien collègue Patrick Smeesters était la cheville ouvrière ; il a abordé notamment la gestion de l’irradiation des aliments et les plans d’urgence nucléaires. Il a réussi à élargir le concept de planification d’urgence avec l’approche avancée « Post-Accidentelle » de Jean-Luc Godet à l’ASN. Sa grande autorité au sein du CSS découle également de son mérite à traduire les recommandations antérieures du CSS en politique de l’AFCN, et sa participation dès 2004 au groupes de réflexion informels sur la radioprotection.
Sa présidence du BVS/ABR a été dominée par l’accident de Fukushima. Durant sa présidence, Jean-Paul a activé le groupe de travail sur la Communication et a donné la priorité à la révision des Normes de Base Euratom. Il a également été à la base des efforts de l’ABR dans le domaine de l’éducation scolaire où, avec le soutien de NIRAS, il s’est déjà engagé dans un projet éducatif international sur le radon.
Ses collègues se souviendront de Jean-Paul comme d’un homme attachant. Sa personnalité chaleureuse et cordiale le rendait très accessible. Il donnait confiance et il laissait place aux initiatives. Il a apporté le plus grand soin à la préparation des forums internationaux où l’AFCN était représentée, tels qu’à l’AIEA, l’AEN et l’Euratom (article 31), et a soigneusement sélectionné les personnes adéquates pour ces missions.
Ses nombreux amis français, notamment à l’ASN, au CEPN et à la SFRP, témoignent de sa grande expertise au niveau international, et soulignent sa sagesse et sa bienveillance, qui lui ont souvent permis de concilier des opinions et des personnalités contradictoires.
Jean-Paul restera parmi nous comme un pionnier de la radioprotection, avec une expertise technique très large dans des dossiers complexes, mais beaucoup se souviendront de lui avant tout sur le plan personnel, avec de nombreuses anecdotes, quelques aventures lors de conférences, la sortie annuelle avec les employés de l’AFCN où les kartings étaient de rigueur ; ils lui associeront surtout l’odeur séduisante de sa pipe.
En décembre 2023, il a adressé un message chaleureux pour la célébration du 60e anniversaire de l’ABR, mais il n’a malheureusement pas pu être présent lui-même.